Ils veulent exploiter les fonds marins

Ils veulent exploiter les fonds marins

Dans cet article, Julia Barnes décrit le processus d’exploitation des fonds marins et appelle à une résistance organisée contre cette nouvelle industrie d’extraction écocide. Cet article a été publié à l’origine dans Counterpunch.

Nous ne devrions pas être surpris. Cette culture a volé 90 % des gros poissons, créé 450 zones désoxygénées et assassiné 50 % des récifs coralliens. Elle a anéanti 40 % du plancton. Elle a réchauffé et acidifié l’eau à un niveau jamais vu depuis l’extinction massive du Permien. Et bien sûr, une autre extinction massive est en cours. Étant donné l’assaut continu de cette culture sur l’océan, on peut sérieusement se demander si la haute mer sera habitable d’ici la fin de ce siècle.

Pour certaines personnes, le meilleur scénario pour l’avenir est que certaines bactéries survivront autour des cheminées volcaniques au fond de l’océan.

L’exploitation minière en eaux profondes est sur le point de rendre cette possibilité improbable. Elle est présentée comme la plus grande opération minière de l’histoire. Ils ont des plans pour extraire des métaux de gisements concentrés autour de cheminées hydrothermales et de nodules – des roches de la taille d’une pomme de terre – qui sont dispersés sur le fond marin. Les sédiments seront aspirés des profondeurs de la mer, traités à bord de navires miniers, puis les boues restantes seront rejetées dans l’océan. On estime que la quantité de boue qui sera traitée par un seul navire minier varie entre 610.000 et 1.8 millions de mètres cubes par jour. J’ai vu l’eau passer de claire à opaque lorsqu’un plongeur inexpérimenté avait donné quelques coups de palme au fond de la mer.

Imaginez maintenant que 1.8 millions de mètres cubes de sédiments soient déversés dans l’océan. Pour mettre les choses en perspective, cela représente environ 22 000 camions à benne remplis de sédiments – et ce n’est qu’un seul navire minier en activité pendant une seule journée. Imaginez ce qu’il se passe lorsqu’il y en a des centaines. Des milliers.

Les panaches du site minier devraient étouffer et enterrer les organismes au fond de la mer. La pollution lumineuse provenant de l’équipement minier perturberait les espèces qui dépendent de la bio-luminescence. Les panaches de sédiments libérés à la surface ou dans la colonne d’eau augmenteraient la turbidité et réduiraient la lumière, perturbant ainsi la photosynthèse du plancton.

Quelques groupes environnementaux réclament un moratoire sur l’exploitation minière en eau profonde.

En attendant, l’exploitation minière exploratoire est déjà en cours. Une obscure organisation connue sous le nom d’Autorité Internationale des Fonds Marins a été chargée de rédiger un code d’exploitation minière sous-marine, de sélectionner les lieux d’extraction et de délivrer des licences aux compagnies minières. Certaines sociétés affirment que les dommages causés par l’exploitation minière en eaux profondes pourraient être atténués par une réglementation adéquate. Par exemple, au lieu de déverser le lisier à la surface, elles le pomperaient et le rejetteraient quelque part en profondeur.

Il est évident que les réglementations n’empêcheront pas les dommages directs causés à la zone exploitée. Mais même si les réglementations les plus strictes étaient mises en place, il existe toujours la quasi-certitude d’une erreur humaine, d’un bris de conduite, d’un déversement de sédiments et d’un mépris total des règles.

Comme nous l’avons vu avec la pêche, les règlements sont inutiles lorsqu’ils ne sont pas appliqués. 40 % des prises totales proviennent de la pêche illégale. Les quotas sont régulièrement ignorés et largement dépassés. Sur terre, nous savons que les entreprises sont prêtes à payer une amende car il est moins cher de le faire que de respecter les règles. Mais tout cela ne tient pas compte du fait que certaines activités sont tellement immorales qu’elles ne devraient être autorisées sous aucun prétexte.

Les permis et les règlements ne servent qu’à légaliser et légitimer l’acte d’exploitation minière en haute mer, lorsqu’un moratoire est la seule réponse acceptable.

La législation canadienne interdit effectivement l’exploitation minière en haute mer dans les eaux territoriales du Canada. Ironiquement, les entreprises canadiennes sont à la tête des opérations visant à exploiter les océans partout ailleurs. Un porte-parole de la société Deep Green Metals, basée à Vancouver, a tenté de défendre l’exploitation minière en eaux profondes d’un point de vue environnemental,

« L’exploitation minière sur terre se fait maintenant dans les endroits parmi les plus riches en biodiversité de la planète. Le fond des océans, en revanche, est un environnement pauvre en nourriture, sans vie végétale et avec un ordre de grandeur de biomasse inférieur sur une plus grande surface. Nous ne pouvons pas éviter de perturber la faune, pour être honnête, mais nous mettrons moins d’organismes en danger que les opérations terrestres d’extraction des mêmes métaux ».

(tel que cité dans Mining Watch).

Cet argument est basé sur un faux choix.

Il suppose que l’exploitation minière doit impérativement avoir lieu, ce qui est absurde. Ensuite, il donne l’impression que la seule zone touchée sera celle qui est exploitée. En réalité, les boues toxiques provenant de l’exploitation minière en haute mer empoisonneront l’océan environnant sur des centaines de kilomètres, avec des métaux lourds comme le mercure et le plomb qui devraient s’accumuler dans tout ce qui y vit, du plancton au thon, en passant par les requins et les cétacés.

Selon une étude de l’Académie Royale des Sciences de Suède, « Une très grande zone sera recouverte de sédiments à tel point que de nombreux animaux ne pourront pas faire face à leur impact et que des communautés entières seront gravement touchées par la perte d’individus et d’espèces ».

L’idée qu’une quantité moindre d’organisme est menacée par l’exploitation minière en eaux profondes est un mensonge flagrant.

Les scientifiques savent depuis 1977 que la photosynthèse n’est pas la base de toute communauté naturelle. Il existe des réseaux alimentaires entiers qui reposent sur les produits chimiques organiques flottant à la surface des cheminées hydrothermales. Ces communautés comprennent des palourdes géantes, des poulpes, des crabes et des vers tubulaires de 3 mètres, pour n’en citer que quelques-unes. L’exploitation minière dans ces habitats est déjà assez nuisible, mais les effets vont bien au-delà de la zone exploitée.

L’exploitation minière en eaux profondes menace littéralement tous les niveaux de l’océan, de la surface aux fonds marins. Ce faisant, elles mettent en danger toute vie sur la planète. De l’étouffement des grands fonds, à l’intoxication de la chaîne alimentaire, en passant par la perturbation du plancton, ces minuscules organismes qui produisent les deux tiers de l’oxygène de la terre, il s’agit d’une succession de catastrophe environnementale les unes après les autres.

La justification la plus courante de l’exploitation minière en mer profonde est qu’elle est nécessaire afin de créer un avenir vert prospère.

Un rapport de la Banque mondiale a révélé que la production de minéraux tels que le graphite, le lithium et le cobalt devrait augmenter de près de 500 % d’ici 2050 pour répondre à la demande croissante d’énergie dite renouvelable. Il y a un article de la BBC intitulé « L’avenir de la voiture électrique pourrait dépendre de l’exploitation minière en mer profonde ». Et si nous inversions les variables et disions à la place « L’avenir de l’océan dépend de l’arrêt de la culture automobile » ou « L’avenir de l’océan dépend de l’opposition aux énergies dites renouvelables ». Si nous prenons en compte toutes les industries qui éviscèrent l’océan, il faut aussi dire que « L’avenir de l’océan dépend de l’arrêt de la civilisation industrielle ». De toute évidence, cette culture ne se soucie pas de savoir si l’océan a un avenir. Elle s’intéresse plutôt à justifier la poursuite de l’exploitation sous la bannière du consumérisme vert. Je ne détaille pas les horreurs de l’exploitation minière en haute mer pour toucher la conscience de ceux qui détruisent l’océan. Ils n’arrêteront pas de leur propre chef. Au contraire, je vous demande à vous, lecteur, de faire tout ce qui est nécessaire pour que cette industrie ne détruise pas l’océan.

Julia Barnes est une cinéaste, directrice de Sea of Life et du film à venir Bright Green Lies.

Traduction de l’article paru sur le site Deep Green Resistance News Service

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