Ce n’est pas du « Revenge Porn » ou des « Deepfakes » – c’est du viol numérique

Ce n’est pas du « Revenge Porn » ou des « Deepfakes »…

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Dans cet article, Max Wilbert aborde le revenge porn et les deepfakes comme de nouvelles formes de pornographie. La pornographie a toujours été un outil de domination du patriarcat sur les femmes. L’article établit en outre un lien entre l’assujettissement des femmes et l’assujettissement du monde naturel.

Notre culture est une culture du viol, une culture du dépassement des limites : les limites des femmes, des enfants, des forêts, des océans, d’une planète vivante toute entière, et même de l’atome et du gène.

D’où vient cette impulsion du viol, et comment est-elle encodée et transmise de génération en génération ? L’une des méthodes de transmission est la pornographie, qui fait partie d’un vaste ensemble d’outils culturels utilisés pour inculquer le patriarcat et le transmettre de génération en génération.

Susan Griffin, dans son livre Woman and Nature, écrit que « Par-dessus tout, la pornographie est un rituel. C’est un drame mis en scène, chargé de sens, qui donne une vision du monde. L’autel du rituel est le corps d’une femme. Et le rituel qui se déroule sur cet autel est la profanation de la chair. Ici, ce qui est sacré dans le corps est dégradé ». Comme le soutiennent Gail Dines et d’autres féministes radicales, ce qui caractérise la pornographie, c’est qu’elle sexualise ces rituels, les cachant derrière un voile d’excitation, de sorte que l’excitation devient liée à la domination et à la subordination. Des actes qui seraient des aberrations pour des yeux d’enfants, deviennent normaux puis érotisés.

Revenge Porn et Deepfakes

Cette conception de la pornographie comme dégradation ritualisée permet d’expliquer deux des plus récentes formes de pornographie : le revenge porn et le Deepfake. Alors que la dégringolade de la pornographie sur papier s’est accélérée avec l’avènement d’Internet, ce dernier permet aujourd’hui de nouvelles formes de dégradation ritualisée des femmes et de violation des limites.

La plupart des gens connaissent malheureusement le phénomène du « revenge porn » – pratique consistant pour les hommes à partager en ligne des photos ou des vidéos explicites de femmes afin de les humilier ou de les discréditer – qui est devenu bien trop courant au cours de la dernière décennie. Les « Deepfakes » sont plus récents et rendent l’humiliation beaucoup plus facile : il s’agit de pornographie générée par ordinateur, souvent créée à l’aide d’une technologie d’apprentissage automatique (Machine Learning) pour échanger le visage d’une femme sur le corps d’une autre personne.

La technologie permettant de créer des Deepfakes s’est rapidement développée au cours des dernières années, et il est désormais possible de créer des Deepfakes d’apparence réaliste assez facilement, voire automatiquement. Le mois dernier, un rapport a révélé que des utilisateurs avaient téléchargé des images de plus de 680 000 femmes, à leur insu et sans leur consentement, vers un service automatisé sur Telegram pour créer des Deepfakes pornographiques photo-réalistes. Un autre rapport a montré que des stars sur TikTok, souvent des adolescentes, se retrouvent sur des sites pornographiques.

Viol numérique

Comment décrire cette nouvelle forme de viol ? Sophie Maddocks, doctorante à la New School, écrit que les militantes féministes cherchent de plus en plus à rebaptiser le revenge porn et les Deepfakes en « pornographie non consentie », « abus sexuel par l’image » et « viol numérique ». Tout comme Susan Griffin, Maddocks vise à comprendre la pornographie non pas comme une expression sexuelle, un art ou l’acte singulier d’hommes aigris, mais comme ce qu’Andrea Dworkin appelait « le schéma directeur de la suprématie masculine ».

« La pornographie incarne la suprématie masculine », écrivait Dworkin. « C’est l’ADN de la domination masculine. Chaque règle de l’abus sexuel, chaque nuance du sadisme sexuel, y est encodée. C’est ce que les hommes veulent que nous soyons, pensent que nous sommes, font de nous; c’est la façon dont les hommes nous utilisent ; non pas parce qu’ils sont biologiquement des hommes, mais parce que c’est ainsi que leur pouvoir social est organisé. Du point de vue de l’activiste, la pornographie est le schéma directeur de la suprématie masculine ».

La crise écologique et le patriarcat

Comme le dit Lierre Keith, si vous pouviez réduire le féminisme à un seul mot, ce serait : « Non. » L’établissement de limites est essentiel non seulement pour la santé physique et mentale des individus, mais aussi pour la santé de la planète entière. Et qu’est-ce que la civilisation industrielle sinon le besoin culturel de violer la planète entière ?

Le patriarcat est vieux de plusieurs milliers d’années et il ne sera pas démantelé en un jour, en un an ou en une décennie. Mais depuis qu’il existe, la résistance existe aussi. Les mouvements visant à démanteler la culture pornographique et à arrêter la prolifération des abus sexuels numériques sont très répandus et se multiplient. Ces problèmes sont profondément ancrés, et pour faire face à la culture du viol, il faudra que des personnes de tous horizons s’engagent et agissent tout au long de leur vie. Deep Green Resistance est une organisation écologique, mais nous sommes aussi une organisation féministe, car nous identifions les liens entre le patriarcat et la destruction de la planète.

Pour ne citer que l’un des plus évidents, le problème de la surpopulation est principalement causé par l’assujettissement des femmes – sur le plan juridique, économique, culturel et sexuel. Et la manière de résoudre le problème de la surpopulation est simple : instruire les femmes et leur fournir un planning familial et des soins de santé culturellement adaptés. Lorsque cela sera fait, la croissance de la population disparaîtra. Il n’y a pas de mystère technique ici ; le problème est de changer la culture et de restructurer le pouvoir.

Dans le livre prophétique de Margaret Atwood, Oryx and Crake, le réchauffement climatique fait des ravages dans un monde qui sombre de plus en plus dans la dystopie. Les formes les plus violentes de pornographie de viol d’enfants sont normalisées, et les jeunes enfants regardent l’émission « Nitee-Nite » qui diffuse des vidéos de personnes se suicidant en direct. Les aliments artificiels à base de soja et les créatures génétiquement modifiées remplissent toutes les assiettes, et alors que le monde continue de sombrer dans le chaos, des gens bien intentionnés dépensent leur argent à transporter par avion de la nourriture à des ours polaires affamés dans un Arctique dépourvu de glace plutôt qu’à affronter ou à démanteler les systèmes qui détruisent la planète.

C’est le monde vers lequel nous nous dirigeons, mais il n’est pas inévitable. Notre seul espoir réside dans ce que Dworkin appelle la résistance politique organisée. Chaque jour, je lis ces mots et je me rappelle notre tâche :

Quand je parle de résistance, je parle d’une résistance politique organisée. Je ne parle pas seulement de quelque chose qui va et qui vient. Je ne parle pas d’un sentiment. Je ne parle pas d’imaginer en son âme et conscience la façon dont les choses devraient être et de passer une journée ordinaire en ayant dans son cœur de bonnes, décentes et merveilleuses idées. Je parle de mettre votre corps et votre esprit en jeu et que vous vous engagiez dans des années de lutte pour changer la société dans laquelle vous vivez… Une résistance politique se déroule de jour et de nuit, de façon anonyme et à visage découvert, là où les gens peuvent la voir et là où ils ne peuvent pas. Elle est transmise de génération en génération. Elle est enseignée. Elle est encouragée. Elle est célébrée. Elle est intelligente. Elle est habile. Elle est engagée. Et un jour, elle gagnera. Elle gagnera.

Andrea Dworkin
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